L'Homme, aussi passionné et fou soit-il, a toujours rêvé d'avoir le dessus sur la Faucheuse. Un rêve s'élevant au même niveau que celui de conquérir le ciel. Ramener les humains à la vie, en parfaite bonne santé... une merveilleuse et morbide idée, n'est-ce pas ? Le risque était à prendre, il fallait tenter le coup. Ô malheureux cobayes, utilisés contre leur gré. Ô pauvres chiens de la science, morts sous le coups des seringues, des scalpels et d'autres interventions inespérées. Il y eut beaucoup de morts, beaucoup de dégâts, beaucoup de larmes et tellement de douleur. Mais bientôt, oui très bientôt, le rêve d'un homme fou allait se réaliser.

« ─ Jour et mois inconnu, année 1995. Auteur inconnu
Les premiers spécimens ne vivent pas longtemps. Pour le moment, le record en minutes est de 45. Cette première génération ne persiste malheureusement pas plus longtemps qu'un papillon. Nous gardons espoir, évidemment.
Il est si magnifique si vous saviez. Son cœur bat, l'activité cérébrale est parfaite. Il bouge avec fluidité. Les mots ne lui manquent pas, sa voix est sublime. Quel dommage, nous n'avons pas pu sauver ses yeux. Le plus spectaculaire est d'observer à quel point il est résistant aux gaz toxiques. Les balles le blessent, cependant. Le sang est rouge, absolument parfait. Sa santé est des plus excellentes.
A l'heure où j'écris, voilà 30 minutes qu'il supporte les expériences. J'espère bien que cet ange sera en mesure de vaincre le record du sujet n°132. »

Il n'y avait pas de nom sur cette note. Seulement un post-scriptum, qui disait : « PS : le sujet n°154, celui décrit dans les notes précédentes, est décédé au bout d'une heure et 54 minutes, s'arrachant la gorge de ses ongles. Il a atteint le summum de nos espérances à ce jour ! Grâce à lui, nous entrons dans la seconde génération. »

A cette époque, en 1995, les expériences étaient imaginées depuis fort longtemps déjà, mais jamais mises en œuvres. Le 9 Novembre 1995 marqua les premiers essais. Lorsque des jeunes gens décédaient, ces scientifiques passionnés et fous s'attribuaient les corps fraîchement morts et... les faisaient revivre. A partir de ce moments, ils n'étaient plus humains. Ils étaient des « Matryoshks ».

Le projet Matryoshk était un scandale. De la pure folie, le projet d'un homme fou et désespéré qui, dans sa démence, pensait qu'il était possible de ressusciter les défunts. Ce projet-là, il était secret. Ni l’Église, ni l'armée ni même le gouvernement. Seuls ceux qui y travaillaient et qui le finançaient étaient au courant des atrocités réalisées entre ces murs méconnus de l'extérieur.

Depuis 1995, date des premières expériences - réalisées uniquement sur des êtres humains -, six générations différentes de Matryoshks ont vu le jour, celles-ci marquant à chaque fois un énorme progrès quant à la durée de vie des sujets.